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Chose étrange ! cette pensée ne m’était pas venue tant que la soif m’avait dominé. À différents intervalles j’en avais bien eu le soupçon ; mais les tortures présentes me faisaient oublier celles de l’avenir.

Une fois que les premières avaient été calmées, je compris que la faim ne serait pas moins impitoyable que la soif, et le sentiment de bien-être que j’éprouvais disparut devant le sort qui m’attendait. Ce n’était pas même, de l’anxiété, qui laisse toujours un peu de place à l’espérance, c’était l’affreuse certitude de ne plus avoir que deux ou trois jours à vivre, et de les passer dans une agonie trop facile à imaginer.

Pas d’alternative : il fallait mourir d’inanition, à moins que je n’eusse recours au suicide. Je pouvais me tuer ; je possédais une arme plus que suffisante pour exécuter ce projet ; mais l’espèce de délire qui, dans les premiers instants de désespoir, m’aurait poussé immédiatement à cet acte de démence, était dissipé, et j’envisageais la situation avec une tranquillité d’esprit qui m’étonnait.

Trois genres de mort se présentaient d’eux-mêmes : la faim, la soif et un coup de couteau pouvaient également terminer ma vie ; la première était inévitable, mais je pouvais choisir entre les trois supplices, et j’examinai quel était celui qui devait me faire le moins souffrir.