Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/167

Cette page n’a pas encore été corrigée

Comment faire ? Je pensai au fromage qui me restait, et je le tirai de ma poche ; il s’émietta dès que je voulus m’en servir ; du biscuit n’eût pas été meilleur ; c’était fort embarrassant.

Tout à coup je songeai à ma veste. Elle était de gros molleton, et en en déchirant un morceau, je pouvais boucher l’ouverture de la futaille.

À peine avais-je eu cette pensée, que mon couteau enlevait une pièce de mon habit, et que fourrant ce chiffon de laine dans la susdite ouverture, le poussant, le serrant avec la pointe de ma lame, je parvins à arrêter le liquide, bien qu’il suât légèrement à travers mon tampon ; mais c’était peu de chose, et je m’en inquiétai d’autant moins, que cet expédient n’était que provisoire ; pourvu qu’il me permît de trouver mieux, c’était tout ce que je demandais.

J’avais maintenant tout le loisir de la réflexion, et je n’ai pas besoin d’ajouter que le désespoir en fut bientôt la conséquence. À quoi me servirait d’avoir de l’eau ? à me faire vivre quelques heures de plus, c’est-à-dire à prolonger mon agonie, car j’avais la certitude de mourir de faim, mes provisions étaient presque épuisées : deux biscuits et quelques miettes de fromage étaient tout ce qui me restait. À la rigueur cela pouvait suffire pour un repas ; mais après ?… viendrait la faim, puis la faiblesse, le vertige, l’épuisement complet et la mort.