Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/156

Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est alors que je retombai dans ma misère, et que je me livrai à tout ce que le désespoir a de plus cruel. Plus que jamais la tentation était vive ; j’entendais l’eau à trois centimètres de mes lèvres, et je ne pouvais pas la goûter. Oh ! si j’avais pu seulement en humecter ma gorge brûlante !

S’il y avait eu près de moi une hache, et que ma prison eût été assez haute pour que je pusse m’en servir, comme j’aurais largement ouvert cette grande citerne pour m’abreuver de son contenu ! Mais je n’avais pas de hache, pas d’instruments tranchants, et sans une bonne lame comment percer ou fendre ces douelles de chêne, aussi impénétrables pour moi que du fer ? Quand même j’aurais trouvé l’une ou l’autre des ouvertures de la futaille, avec quoi en aurais-je ôté le bondon, arraché le fausset ? Je n’y avais pas songé dans mon élan de bonheur ; mais il était impossible de le faire avec mes doigts, sans tenailles, sans levier d’aucune espèce.

Je crois m’être levé en chancelant, pour examiner de nouveau la barrique ; je n’en suis pas sûr, tant j’étais foudroyé par la déception amère qui avait suivi ma joie ; il m’est resté néanmoins un vague souvenir d’avoir machinalement exploré le dessus du tonneau, essayé de mouvoir la caisse ; et plus consterné que jamais de l’inutilité de mes efforts, d’être revenu me coucher, en proie au plus morne désespoir.