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Rien n’était plus facile à reconnaître que cette voix bénie qui frappait mon oreille : c’était le glouglou d’un liquide remuant dans la futaille, par suite des ondulations du navire.

À la première de ces notes harmonieuses que rendait le contenu de la barrique, j’avais tressailli d’une joie facile à comprendre ; mais réprimant aussitôt mes transports, je voulus m’assurer du fait, dans la crainte d’être le jouet d’une illusion.

La joue appliquée sur le bois de la grosse tonne, l’haleine suspendue, toutes les facultés de mon être concentrées dans ma puissance auditive, j’attendis que le bâtiment éprouvât une secousse assez grande pour la communiquer au fluide que renfermait le tonneau.

L’attente me parut d’une longueur excessive, mais ma patience fut enfin récompensée : Glou, glou, gli, gli, glou, glou ; cela ne faisait pas le moindre doute, la futaille était pleine d’eau !

Un cri de joie s’échappa de mes lèvres ; j’éprouvais ce que ressent un malheureux qui est en train de se noyer, et qui, au moment où il allait rendre l’âme, se retrouve près du rivage.

La réaction fut si vive que je faillis m’évanouir ; je serais tombé sans la pièce de bois à laquelle je restai appuyé, dans un état de vertige qui m’était jusqu’à la conscience de mon bonheur.

Toutefois je ne demeurai pas longtemps dans