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Quand je dis sans inquiétude, ce n’est pas tout à fait vrai ; j’avais au contraire des appréhensions assez vives au sujet de l’accueil qui m’était réservé ; je pensais à la brutalité du second, aux railleries de l’équipage. Le capitaine ne serait-il pas indigné de mon audace ; lui qui avait si nettement refusé de me prendre à bord, que dirait-il de m’y voir introduit par surprise ? Il m’imposerait quelque punition outrageante, peut-être le fouet. J’étais, je le confesse, très-peu rassuré à cet égard, et j’aurais volontiers dissimulé ma présence jusqu’à notre arrivée au Pérou.

Mais impossible ; je ne pouvais pas rester dans ma cachette pendant six mois ; qui pouvait dire si la traversée ne durerait pas davantage ? Je n’avais pas à boire, presque rien à manger, il fallait bien tôt ou tard remonter sur le pont, en dépit de la colère du capitaine.

Pendant que je faisais ces tristes réflexions, je me sentis envahir par une angoisse étrange qui n’avait rien de commun avec mon inquiétude ; elle était toute physique et plus affreuse que ma soif et mes crampes. Le vertige s’était emparé de moi, la sueur me couvrait la figure, elle s’accompagnait d’horribles nausées, d’étranglement, de suffocation, comme si mes poumons comprimés entre les côtes n’avaient pu se dilater, et qu’une main de fer m’eût serré à la gorge. Une odeur fétide s’élevait du fond de la cale,