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nuits pour une ; ou bien c’était un rêve qui avait produit cette illusion. Quoi qu’il en soit, j’étais trop heureux de notre mise à la voile pour rechercher le motif de notre départ nocturne. Peu m’importait l’heure, pourvu que nous pussions arriver sains et saufs en pleine mer, et je me recouchai en attendant qu’il me fût permis de sortir de ma cachette.

Deux raisons surtout me faisaient appeler de tous mes vœux le moment de la délivrance : la première c’est que j’avais une soif ardente. Il y avait longtemps que je n’avais bu ; le fromage et le biscuit m’avaient encore altéré, et j’aurais donné toute une fortune, si je l’avais possédée, pour me procurer un verre d’eau.

La seconde raison qui me faisait souhaiter de changer de place était la courbature que j’avais gagnée dans mon petit coin, où j’étais forcé de m’accroupir, n’ayant pour me reposer que des planches qui m’avaient tout meurtri. C’est à peine si je pouvais remuer, tant la douleur était vive, et je souffrais encore plus lorsque j’étais immobile, ce qui d’ailleurs, n’arrivait pas souvent, tant l’instinct me poussait à changer d’attitude pour diminuer mes crampes et me distraire de ma soif.

Il ne fallait rien moins que la crainte d’être renvoyé à la ferme pour me donner la force de supporter ces tortures. Je savais que les navires ne sortent guère d’un port sans avoir un pilote. Si j’avais