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Toutefois il y a dans le village plusieurs personnes, qui connaissent quelques chapitres de mon histoire ; elles les tiennent de moi-même, car je n’ai aucune répugnance à raconter mes aventures à ceux qu’elles peuvent intéresser ; et j’ai trouvé dans cet humble coin de terre un auditoire qui mérite bien qu’on lui raconte quelque chose. Nous avons près de notre bourgade une école, célèbre dans le canton ; elle porte le titre pompeux d’établissement destiné à l’éducation des jeunes gentlemen, et c’est elle qui me fournit mes auditeurs les plus attentifs.

Habitués à me voir sur le rivage, où ils me rencontraient dans leurs courses joyeuses, et devinant à ma peau brune et à mes allures que j’avais été marin, ces écoliers s’imaginèrent qu’il m’était arrivé mille incidents étranges dont le récit les intéresserait vivement. Nous fîmes connaissance, je fus bientôt leur ami, et à leur sollicitation je me mis à raconter divers épisodes de ma carrière. Il m’est arrivé souvent de m’asseoir sur la grève et d’y être entouré par une foule de petits garçons, dont la bouche béante et les yeux avides témoignaient du plaisir que leur faisait mon récit.

J’avoue sans honte que j’y trouvais moi-même une satisfaction réelle : les vieux marins, comme les anciens soldats, aiment tous à raconter leurs campagnes.

Un jour, étant allé sur la plage dès le matin, j’y