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mes incertitudes ! Si l’on m’avait donné l’avis de renoncer à ce voyage, je suis sûr que je serais resté à la maison, du moins pour cette fois-là ; car à la fin mon esprit aventureux et mes goûts nautiques m’auraient toujours entraîné à la mer.

Vous vous étonnez sans doute qu’en pareille circonstance je n’aie pas été voir mon ami Blou, pour lui confier mon dessein et recevoir son opinion ; c’est bien ce que j’aurais fait si Henry avait encore été au village ; mais il n’y était plus ; il avait vendu son bateau, et s’était engagé dans la marine, il y avait déjà six mois. Peut-être que s’il fût resté au pays, je n’aurais pas eu si grande envie de partir ; mais depuis qu’il nous avait quittés, je ne songeais plus qu’à suivre son exemple, et chaque fois que je regardais la mer, mon désir de m’embarquer se renouvelait avec une violence inexprimable.

Un prisonnier qui regarde à travers les barreaux de sa prison n’aurait pas aspiré plus vivement après la liberté que je ne souhaitais d’être bien loin, sur les vagues de l’Océan. Je le répète, si j’avais eu près de moi mon ami Blou, il est possible que j’eusse agi différemment ; mais il n’y était pas, et je n’avais plus personne à qui faire part de mon secret. Il y avait bien à la ferme un jeune homme que j’aimais beaucoup et dont j’étais le favori ; j’avais été vingt fois sur le point de tout lui dire, et vingt fois les paroles s’étaient arrêtées sur