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tenant compagnie, ils me voient tous les jours traverser leur bourgade, mon télescope sous le bras, me rendre sur le môle, parcourir la mer jusqu’à l’horizon avec ma lunette, et revenir chez moi, ou flâner sur la côte pendant une heure ou deux. C’est à peu près tout ce que ces braves gens connaissent de ma personne, de mes habitudes, et de mon histoire.

Le bruit court parmi eux que j’ai été un grand voyageur. Ils savent que j’ai une bibliothèque nombreuse, que je lis beaucoup, et se sont mis dans la tête que je suis un savant miraculeux.

J’ai fait de grands voyages, il est vrai, et je consacre à la lecture une grande partie de mon temps ; mais ces bons villageois se trompent fort, quant à l’étendue de mon savoir. J’ai été privé des avantages d’une bonne éducation ; et le peu de connaissances que j’ai acquises l’a été sans maître, pendant les courts loisirs que m’a laissés une vie active.

Cela vous étonne que je sois si peu connu dans l’endroit où je suis né ; mais la chose est bien simple : je n’avais pas douze ans lorsque j’ai quitté le pays, et j’en suis resté plus de quarante sans y remettre les pieds.

J’étais parti enfant, je revenais la tête grise, et complétement oublié de ceux qui m’avaient vu naître. C’est tout au plus s’ils avaient conservé le souvenir