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290 CONSTRUCTION OF THE WORLD

la nourriture que nous mangeons, les livres que nous lisons, les objets que nos mains créent, les amis avec qui nous parlons ; et tout cela sous la forme dans laquelle nous les voyons, les entendons et les sentons — sous la forme des choses immédiates qu’elles sont pour nous. Nous ne pouvons pas quitter ce monde immédiat ; nous sommes obligés d’y vivre et nous devons en rechercher la structure et l’ordre pour nous y retrouver. Il n’y a pas à se demander si nous devons le reconnaître ; nous sommes placés en lui, et apprendre à le prévoir et à le manipuler est la tâche naturelle de notre vie.

N’est-ce pas là du subjectivisme ? Si nous nous contentons d’une telle réponse, cela ne signifie-t-il pas l’échec de la tentative de construire la connaissance comme un système objectif, indépendant des sentiments humains et des déterminations subjectives ?

Je ne pense pas qu’il faille l’admettre. Affirmer une telle interprétation contredit les sentiments avec lesquels nous rencontrons le monde des choses immédiates. Nous ne ressentons pas les choses immédiates comme une création propre. Nous les ressentons comme quelque chose qui nous est imposé de l’extérieur ; elles ne dépendent pas de notre volonté ; elles s’imposent à nous, même si c’est à l’encontre de nos attentes ou de nos désirs. Ce que nous avons appelé le « caractère péremptoire » des choses immédiates est interprété par nous, émotionnellement, comme leur objectivité, comme le fait qu’elles constituent un monde propre, ou du moins des messagers d’un tel monde indépendant. C’est tout le contraire des émotions associées au terme « subjectivisme » ; et si l’homme de science a constamment le sentiment de découvrir quelque chose qui a une existence propre, c’est tout simplement parce que les choses immédiatement observées ne sont pas contrôlées par sa volonté mais apparaissent avec une positivité irréfutable et une persévérance obstinée.

Il est vrai que cette affirmation ne concerne que des associations émotionnelles ; on peut cependant lui associer une interprétation logique. La distinction des choses subjectives et objectives est introduite par des inférences basées sur des choses immédiates ; si ces inférences montrent, d’une part, que le