Page:Reichenbach - Experience and Prediction.djvu/275

Cette page n’a pas encore été corrigée

§ 28. WHAT IS THE EGO ? 261

de base du « je » qui s’exprime dans cette habitude grammaticale. Derrière ce « je » se cache une longue série d’expériences. L’ego n’est en aucun cas une entité directement observée ; c’est un abstractum construit à partir de concreta et d’illata en tant qu’éléments internes. L’idée de Descartes selon laquelle l’ego est la seule chose qui nous soit directement connue et dont nous soyons absolument sûrs est l’un des points de repère des impasses de la philosophie traditionnelle. Il s’agit de confondre un abstractum avec une entité directement observée, un fait empirique avec une connaissance a priori, un produit de l’expérience et des déductions avec la base métaphysique du monde. Les empiristes de tous les temps s’y sont opposés à juste titre.[1] Citons ici Lichtenberg, qui, bien que se qualifiant lui-même d’idéaliste, a trouvé la formulation la plus frappante pour la réponse empiriste à Descartes : « Ça pense, devrions-nous dire, comme nous disons : il pleut. Dire cogito est déjà trop, si on le traduit par je pense ».[2] La langue originelle est neutre et ne connaît pas d’ego — cet ego est une construction logique.

Comme l’abstractum « ego » doit exprimer un fait empirique, nous sommes libres d’imaginer un monde dans lequel il n’y aurait pas d’ego. Imaginons que toutes les personnes soient connectées, selon l’opération de la salamandre (§27), de telle sorte que chacun partage les impressions de tous les autres. Personne ne dirait alors : je vois, ou je sens ; tous diraient : il y a. D’autre part, on peut obtenir le cas inverse en dissolvant l’unité d’une personne en différents egos à différents moments ; s’il n’y avait pas de mémoire, les états d’une personne à différents moments seraient divisés en différentes personnes de la même manière que des corps spatialement différents sont

  1. Cf. un résumé intéressant de la critique empiriste du concept de l’ego par H. Lowy, Erkenntnis, III (1932/33), 324.
  2. Es denkt, sollte man sagen, so wie man sagt : es blitzt. Zu sagen cogito, ist schon zu viel, sobaid man es durch ich denke iibersetzt" (cf. Permischte Schriften de Lichtenberg [Gottingen, 1844], I, 99).