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§ 27. DIFFERENT PERSONS 257

Une troisième source de cette conception peut être indiquée. Supposons un daltonien qui possède, contrairement à l’expérience habituelle, la capacité d’imaginer les différences de couleur dans l’exemple que nous venons de citer. Supposons en outre qu’un jour les médecins trouvent une opération qui donne à notre daltonien les capacités d’une vision normale. Les couleurs qu’il verra alors correspondront-elles à celles qu’il avait imaginées ? On ne peut évidemment pas le garantir ; il se peut que les nouvelles couleurs soient entièrement différentes de celles qu’il avait imaginées. Les philosophes pourraient alors soutenir que cela prouve l’existence du quale : nous n’avons pas pu décrire ce quale à l’homme, et il a dû l’apprendre par sa propre expérience, rendue possible dans notre cas supposé par une opération.

Nous ne pouvons cependant pas accepter un tel argument. Ce qu’il y a à dire ici peut l’être entièrement au moyen de relations de signification. Les nouvelles couleurs ne sont pas semblables aux couleurs imaginées, c’est ce que l’homme observe. Une telle expérience peut cependant toujours se produire. Nous n’avons aucune garantie que les couleurs que nous verrons demain seront les mêmes que celles vues aujourd’hui. C’est l’indétermination des observations futures qui entre ici en jeu et qui fournit une nouvelle source à l’idée du quale inexprimable. Mais il faut bien voir qu’il ne s’agit de rien d’autre que de l’occurrence ou de la non-occurrence de relations de similitude.

Un mot peut être ajouté. Les relations de similitude permettent de faire des prédictions ; ainsi, nous pouvons dire : si vous regardez ce corps demain, vous verrez une couleur similaire. Dans le cas de notre daltonien, nous ne pouvons pas faire une telle prédiction, c’est-à-dire que nous ne pouvons pas dire : La couleur que vous verrez après l’opération sera semblable à la couleur imaginée avant l’opération. La différence n’est cependant qu’une différence dans le poids d’une prédiction. La seconde prédiction est pourvu de sens mais a toutes les chances d’être fausse. Il existe une loi naturelle que nous avons appelée précédemment la constance de la fonction perceptive ; elle permet de