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256 CONSTRUCTION OF THE WORLD

C’est une question déraisonnable ; si son monde présente les mêmes différences structurelles que le nôtre, il peut être qualifié d’égal à notre monde. Nous avons donc raison de dire que, dans ce cas, nous avons décrit le monde coloré à un daltonien — bien qu’il continue à être incapable de voir, dans des objets physiques donnés, les différences de couleur que nous voyons et qu’il ne soit pas capable de conduire une voiture en suivant les indications des feux de circulation. Seules les choses imaginées présenteraient pour lui des différences de couleur ; mais, en ce qui concerne les choses physiques observées, il ne saurait pas où attacher les différences qu’il pourrait imaginer.

Cette extension des couleurs observées par l’imagination est cependant impossible. C’est cette limitation du pouvoir de l’imagination qui conduit à l’idée qu’il y a quelque chose d’inexprimable dans notre expérience. Nous disons : celui qui veut savoir ce qui est rouge doit regarder une chose rouge. Mais nous ne disons pas : qui veut savoir ce qu’est un éléphant à six pattes doit regarder une telle chose. Le rouge est donc appelé un quale inexprimable, ce qui n’est pas le cas de l’éléphant à six pattes. C’est une façon de parler assez incorrecte. Nous devrions dire : Il y a certaines différences que nous ne pouvons pas imaginer sans les avoir vues auparavant. C’est une certaine indigence de la fantaisie qu’il faut constater ici, pas plus. Il est vrai que nous ne pouvons pas décrire des couleurs à un daltonien ; mais cela ne signifie pas « que ce que nous savons des couleurs est indicible » ; cela signifie seulement que le daltonien ne peut pas imaginer certaines différences que nous voyons et que nous lui décrivons. L’existence de limites à l’imagination[1] dans certains domaines, associée à une fausse théorie de la comparaison des impressions, est à l’origine de l’idée insoutenable du quale inexprimable.

  1. Il serait intéressant pour les psychologues de savoir si ces limites sont aussi rigides qu’on le suppose généralement. Il se peut qu’avec de l’entraînement, une expansion de l’imagination des couleurs soit possible, pour les daltoniens comme pour les autres personnes.