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§ 27. DIFFERENT PERSONS 255

démontre que toute notre signification de la taille spatiale se réduit aux relations entre les choses spatiales, les réflexions correspondantes quant à un changement inobservable du quale démontrent que ce sont seulement les relations entre les choses observées que nous pouvons « signifier » et non un « quale absolu ». Même pour nous-mêmes, l’occurrence d’un certain quale ne serait pas vérifiable.

Ce que nous savons peut être dit, et ce qui ne peut être dit ne peut être su. L’idée que nous en savons plus que nous ne pouvons en dire a son origine psychologique, je pense, dans un certain fait psychologique concernant la capacité d’imagination. Nous pouvons imaginer des choses que nous n’avons pas observées auparavant, mais il y a certaines limites à ce pouvoir. En ce qui concerne les arrangements géométriques, il n’y a, semble-t-il, aucune limite à l’imagination ; mais il y a une limite en ce qui concerne les couleurs, les goûts et certaines autres qualités. Nous pouvons imaginer un éléphant à six pattes, bien que nous n’en ayons jamais vu ; mais nous ne pouvons pas imaginer une couleur en dehors du domaine bien connu des couleurs habituelles. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas décrire à un daltonien les couleurs que nous voyons. Supposons que nous lui montrions un ensemble d’objets de couleurs différentes, mais toutes de même intensité. Il les verra tous également gris, alors que nous voyons des différences entre eux. Nous pouvons lui dire : cette chose est, pour nous, égale à celle-ci, mais cette chose est différente des deux. Il peut nous croire, mais il ne peut pas imaginer qu’il y a une différence. S’il le pouvait, il pourrait attacher la différence imaginée aux choses ; il se représenterait alors, pour lui-même, des différences qu’il ne voit pas. Cela correspondrait au cas où nous regardons deux éléphants et imaginons que l’un d’eux a six pattes ; bien que nous ne voyions pas cette différence entre les éléphants, nous pourrions l’imaginer. Supposons maintenant que le daltonien ait le même pouvoir d’imagination ; bien qu’il ne voie pas de différences entre les couleurs, il pourrait les imaginer et construire ainsi un monde coloré qui lui serait propre. Serait-ce la même chose que notre monde coloré ?