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§ 27. DIFFERENT PERSONS 253

mais alors la comparaison des impressions de différentes personnes devient également significative et ne peut être qualifiée d’impossible. L’isolement des monades humaines n’est, logiquement parlant, pas d’un autre type que l’isolement des différents événements au sein du flux d’expérience d’une personne. La différence est que, chez une personne, le phénomène des images souvenirs fournit un mécanisme simple sur lequel on peut fonder une définition de la comparaison, alors que pour deux personnes, si l’on veut satisfaire à toutes les exigences d’une telle définition, il faut que s’accomplisse un croisement des systèmes nerveux. Une telle opération n’est pas encore techniquement possible, mais elle n’est pas logiquement exclue. Son résultat est cependant prévisible avec une certaine probabilité. La probabilité ouvre donc une fenêtre entre les monades, même s’il n’y a pas de canal unissant leurs flux d’expérience individuels.

Il existe un résultat de la conception erronée habituelle du problème de l’incomparabilité que nous devons maintenant discuter : c’est l’idée qu’il y a quelque chose d’inexprimable dans notre expérience, connu de nous seuls mais non communicable à d’autres personnes. Les relations structurelles entre les impressions ont été distinguées du quale spécifique de chacune d’elles ; seules les relations structurelles, dit-on, sont communicables ; le quale n’est connu que de nous-mêmes. Le défaut de cette conception, me semble-t-il, réside dans l’idée que nous connaissons nous-mêmes plus que les relations structurelles. Nous voyons des différences entre le rouge et le vert ; mais dire que nous voyons, en plus, un quale spécifique du rouge ne veut rien dire. Un tel terme n’est rien d’autre qu’une expression trompeuse pour le fait que nous pouvons reconnaître les couleurs rouges, c’est-à-dire que nous les observons comme identiques. La relation de similitude a été substantialisée — transformée en une certaine entité substantielle appelée quale, une erreur fréquente en logique. Si nous n’avions pas la possibilité d’observer des similitudes, c’est-à-dire s’il n’y avait pas de