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220 CONSTRUCTION OF THE WORLD

mais nous savons qu’il s’agit d’une énorme boule suspendue dans l’espace. Nous entendons la voix qui sort de la bouche d’une jeune fille chantante comme un ton doux et continu, mais nous savons que ce son est composé de centaines d’impacts par seconde qui bombardent nos oreilles comme une mitrailleuse. Les concreta tels que nous les voyons ont autant de ressemblance avec les objets qu’ils sont que le petit homme au caftan vu dans la lande en a avec le buisson de genévriers, ou que le lion vu au cinéma en a avec les taches sombres et lumineuses de l’écran. Nous ne voyons pas les choses, pas même le concret, telles qu’elles sont objectivement mais sous une forme déformée ; nous voyons un monde de substitution — et non le monde tel qu’il est, objectivement parlant.

En utilisant la terminologie développée ci-dessus, nous devrions dire que même les concreta ne sont que des choses subjectives, du type auquel une chose objective de forme différente est coordonnée. Ces choses sont couplées, mais elles ne sont pas à proprement parler identiques. Si nous comparons cette coordination à celle de nos exemples précédents, le genévrier vu comme un homme ou le cinéma, nous pouvons dire que, dans le cas des concreta, la correspondance de la chose subjective et de la chose objective est plus étroite que dans ces exemples ; mais il reste toujours un écart. C’est pourquoi la séparation des choses objectives et subjectives, dans le domaine des choses immédiates (§24), comporte une part d’arbitraire ; elle dépend du degré d’écart que l’on tolère pour une chose immédiate que l’on veut qualifier d’objective. Il n’y a qu’une différence de degré entre les choses immédiates comme celles que l’on voit au cinéma et les choses immédiates comme les concreta : notre monde immédiat est, à proprement parler, entièrement subjectif ; c’est un monde de substitution dans lequel nous vivons.

Ce fait est dû à un phénomène psychologique qui est lié à la structure logique du concept d’existence. Nous avons montré (§ 23) que l’existence est une qualité non