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CHAPITRE III

UNE ENQUÊTE SUR LES IMPRESSIONS

§ 19 — Observe-t-on les impressions ?

Le chapitre précédent reposait sur le présupposé que les impressions sont des faits observables. Nous les avons introduites parce que nous avons constaté que les observations physiques, même les plus concrètes, ne peuvent jamais être soutenues avec certitude ; nous avons donc essayé de les ramener à des faits plus élémentaires et nous sommes arrivés aux impressions comme aux faits immédiatement donnés. Il est peut-être douteux, disions-nous, qu’il y ait une table devant moi ; mais je ne peux pas douter que j’ai au moins l’impression d’une table. C’est ainsi que les impressions sont devenues l’archétype même des faits observables.

Ce courant de pensée est d’une puissance convaincante, et il n’y a pas beaucoup de philosophes qui aient pu y résister.[1] Quant à moi, j’y ai cru pendant longtemps, jusqu’à ce que je découvre enfin quelques-unes de ses faiblesses. Bien qu’il y ait quelque chose de correct dans ces réflexions, il me semble maintenant qu’il y a en elles quelque chose d’essentiellement faux.

  1. Si je dois citer quelques noms parmi ce groupe exceptionnel, je dois mentionner en premier lieu Richard Avenarius dont la lutte contre l’« introjection » des phénomènes psychiques et pour une « Restitution des natürlichen Weltbegriffs » est la première réfutation claire d’un point de vue que les matérialistes de tout temps avaient déjà attaqué avec beaucoup d’ardeur mais avec des moyens insuffisants (Avenarius, Der menschliche Weltbegriff [Leipzig, 1891]). Récemment, Watson dans son behaviorisme (Behavior [New York, 1914]), et Carnap et Neurath dans le tournant behavioriste qu’ils ont donné au positivisme viennois (Erkenntnis, III [1932], 107, 204, 215) ont développé des idées similaires et sous une forme beaucoup plus facile d’accès et donc plus convaincante. L’exposé qui suit, bien que lié au behaviorisme, s’en distingue cependant à certains égards (cf. § 26). Les pragmatistes ont également résisté au dogme positiviste ; Dewey, dans Experience and Nature (Chicago, 1925), réfute très clairement l’idée que les impressions ou les sensations sont des faits observables. Cf. aussi la forme très convaincante de behaviorisme développée par E. C. Tolman, « Psychology versus Immediate Experience », Philosophy of Science, II, No. 3 (1935), 356.