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§11. EXISTENCE OF ABSTRACTA 97

n’existe pas, ni la mortalité des enfants, ni la gaucherie. La question des motivations de ces décisions doit être analysée psychologiquement. Il semble que l’on conçoive comme existants les abstractions dont on s’occupe dans la vie pratique et qui sont généralement exprimées par des noms. Nous avons parfois affaire à des gauchers, mais nous employons rarement le terme « gaucherie », qui reste donc un terme sans objet existant. En revanche, la référence au « mobilier » est fréquente, et le mobilier est donc conçu comme une chose existante. La décision peut même dépendre de la profession du locuteur. Pour un commerçant, l’offre et la demande peuvent être des entités existantes, alors qu’un électricien concevra une charge électrique comme existante. C’est un fait psychologique remarquable que ce « sentiment d’existence » qui accompagne certains termes est fluctuant et dépend de l’influence du milieu. La poursuite de cette question est d’un grand intérêt psychologique ; pour la logique, il n’y a aucun problème.

La possibilité d’attribuer l’existence à des abstractions ne justifie cependant pas la position du réalisme. L’abstrait n’est pas une chose d’une autre « sphère » mais une chose existant dans le monde ordinaire. Le mobilier existe dans le même monde que les tables et les chaises qui en constituent les éléments ; comme elles, le mobilier est une chose qui a un poids et qui peut être payée en argent. Le réaliste introduit cette autre sphère parce qu’il croit à une signification excédentaire du terme abstrait. Cela est dû, je crois, à une incompréhension d’un fait logique qui semble avoir gêné les logiciens anciens, mais qui peut être interprété par le nominalisme sans aucune difficulté. Il s’agit du fait que la chose abstraite et les choses qui en constituent les éléments concrets ne peuvent pas être « ajoutées », ne peuvent pas être mises les unes à côté des autres. Nous n’avons pas le droit de compter, par exemple, une table et trois chaises