Page:Reichel - Notre interview de Santos-Dumont, 1914.djvu/2

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Santos-Dumont pilotant son monoplan « La Demoiselle ». (Cliché Branger.)

NOTRE INTERVIEW DE SANTOS-DUMONT


Tout le monde sait quel pionnier de la conquête de l’air fut l’illustre Santos-Dumont. N’est-il pas intéressant d’apprendre de lui-même d’où lui est venue la vocation, comment il a procédé à ses premiers essais, et ce qu’il pense de l’avenir de l’aviation ? Au nom des « Lectures pour tous », un écrivain bien connu par sa compétence dans les choses du sport, M. Frantz Reichel, est allé le prier de répondre à ces diverses questions. C’est l’entretien si instructif, si nourri de faits et d’idées, de M. Santos-Dumontet de notre collaborateur, que nos lecteurs vont trouver ici.


Le 19 octobre dernier, M. L. Barthou, directeur du cabinet du président du Conseil, ministre de l’Instruction publique, a inauguré au carrefour des coteaux de Saint-Cloud le monument élevé par l’Aéro-Club de France à la gloire vivante de Santos-Dumont. Sur le socle de la statue, il a été gravé ceci :

« Ce monument a été élevé par l’Aéro-Club de France pour commémorer les exploits de Santos-Dumont, pionnier de la locomotion aérienne. »

Santos-Dumont assistait à la cérémonie.

Il n’y a pas beaucoup d’exemples, dans l’histoire des conquêtes humaines, d’inventeurs qui aient, de leur vivant, connu l’émouvant honneur d’un hommage rendu, dans la pierre et le bronze, à leurs efforts généreux.

Cette récompense exceptionnelle, Santos-Dumont l’aura reçue à deux pas du parc de l’Aéro-Club de France d’où, le 20 octobre 1901, il s’élança à bord de son dirigeable pour tenter de gagner le prix de cent mille francs offert par H. Henry Deutsch (de la Meurthe) à l’audacieux qui, dans un aéronat, et en moins de trente minutes, partirait des coteaux de Saint-Cloud pour aller doubler la tour Eiffel et revenir sans avoir fait escale, à son point de départ.

Nul n’a oublié l’émotion que causa cette extraordinaire prouesse. Elle provoqua une véritable allégresse dans le monde entier. L’homme avait eu cette fois l’impression que le rêve, ambitieux et orgueilleux, de la conquête de l’air, poursuivi à travers les siècles, était pour ainsi dire réalisé.

Des gens, au spectacle du dirigeable doublant la tour Eiffel et reprenant le chemin du retour, couraient, s’abordaient, se serraient les mains, s’embrassaient. Ils sen-