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LE RIG-VÉDA ET LES ORIGINES

mythes dont ils font mention, à ce double égard, on peut déclarer sans embages que leur autorité est nulle, en ce sens qu’elle ne s’appuie pas sur une tradition qui remonte à une époque où les hymnes étaient encore compris dans le sens grammatical, liturgique et religieux qu’ils avaient pour leurs auteurs.

Sur ce point, tous les indianistes sont à peu près d’accord depuis la mort de Wilson et de Goldstucker. L’historique des débats auxquels ces questions ont donné lieu parmi les savants d’Occident n’est plus à faire. Dans un chapitre intitulé La traduction du Véda, qui fait partie du premier volume de ses Études orientales et linguistiques (1874), M. Whitney a résumé d’une manière très nette les arguments des partisans et des adversaires de l’autorité de la science des brâhmanes en matière d’explication védique[1]. En fait, les premiers, représentés par Wilson, l’auteur de la traduction princeps du Rig-Véda, et son disciple Goldstucker, ont été complètement vaincus par les seconds, parmi lesquels figuraient MM. Roth, J. Muir, Max Müller et M. Whitney lui-même. Rien ne saurait mieux montrer à quel point les idées de ceux-ci avaient triomphé rapidement que l’absolu dédain avec lequel Bergaigne, dont le premier volume de La Religion védique est de 1878, put en agir dans cet ouvrage à l’égard du commentaire de Sâyaṇa, sans que personne, je crois, ait crû devoir lui en faire un reproche.

Toutefois, une réaction contre cette manière de voir a été essayée récemment. Dans la préface de leurs Études védiques (1889), MM. Pischel et Geldner, après avoir déclaré (p. v.) « qu’aucun savant sérieux ne voudrait s’approprier aujourd’hui les explications artificielles de Sâyaṇa en matière de grammaire et d’étymologie », ajoutent « qu’il y a pourtant un trésor d’antiennes gloses enfouies dans son commentaire, dont M. Roth n’a pas tiré parti et qui sont souvent plus près de la vérité que les explications de celui-ci et de Grassmann. » Malheureusement, cette tentative de réhabilitation, quelque modérée qu’elle soit, ne

  1. Voir aussi Kægi : Der Rig-Veda, die älteste Literatur der Inder (1881), p. 140, note 29.