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KATHA-UPANISHAD

fables ont pu se mêler à ce que Plutarque nous rapporte de Calanus ; mais il n’en est pas moins certain que les Grecs à la suite d’Alexandre constatèrent dans l’Inde l’application des doctrines ascétiques fondées sur des théories qui sont déjà celles de la philosophie Védânta, et qu’on peut en conclure en toute assurance que les brahmanes n’ont pas été à cet égard les tributaires de la pensée grecque. Ils ne l’ont pas été davantage des anciennes civilisations de la Chine, de la Babylonie, de la Judée ou de l’Égypte. Rien dans ce qui nous est connu de la littérature de ces peuples n’est de nature à permettre l’hypothèse d’un emprunt du genre de celui dont il s’agit. La langue, d’ailleurs, confirme cette conclusion négative : le sanscrit ne possède pas un seul terme de la terminologie philosophique qui vienne de l’étranger ou qui ne s’explique pas par le sanscrit lui-même.

La philosophie de l’Inde, à en juger par ces faits, serait donc originaire de l’Inde même et, dans ce cas, on aurait à en chercher le germe dans les seuls documents qui puissent être considérés comme antérieurs aux Brâhmanas et aux Upanisads, c’est-à-dire dans les différents recueils des hymnes sacrés appelés Védas.

Mais avant d’examiner si cette filiation est vraie, et si c’est bien dans ces documents que la sagesse brahmanique a pris d’abord son point d’appui, il est bon de répondre en quelques mots à ceux qui, sur la foi d’assertions sans valeur scientifique sérieuse, rabaissent l’âge des Védas à une date qui laisserait entrevoir la possibilité chronologique des influences étrangères que je niais tout à l’heure[1]. Les Védas, nous dit-on, sont bien moins anciens qu’on ne le croyait il y a quelques années ; Bergaigne et Halévy l’ont démontré : le premier, en mettant au jour leur caractère liturgique ; le second en faisant voir que les écritures de l’Inde, et par conséquent sa littérature, ne remontent pas au delà du iiie siècle avant notre ère.

Sur le premier point, je n’hésite pas à reconnaître que Bergaigne

  1. Voir à cet égard les étranges assertions qu’indique M. Fouillée dans un article de la Revue des Deux-Mondes, n° du 15 mai 1898.