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ismène.

Je veux bien avouer qu’un manque de couronne
Est l’unique défaut qui soit en sa personne,
Et qu’Agénor auroit tous les vœux de mon cœur,
S’il étoit un peu moins sensible à la grandeur.
Mais enfin un chagrin que je ne puis comprendre,
Ma chère Cléanthis, est venu me surprendre :
Je le chasse, il revient ; et je ne sais pourquoi,
Ce jour plus qu’aucun autre, il cause mon effroi.

cléanthis.

On ne peut vous ôter le sceptre et la couronne ;
Et le rang glorieux que le destin vous donne,
Je vous l’apprends encor, si vous ne le savez,
J’en suis un peu la cause, et vous me le devez.

ismène.

Comment ?

cléanthis.

Comment ? Écoutez-moi. La reine votre mère,
Abandonnant Argos, où mourut votre père,
Par un second hymen épousa le feu roi
Qui régnoit en ces lieux, mais avec cette loi,
Que, si d’aucun enfant il ne devenoit père,
Du trône athénien vous seriez l’héritière,
Et que son successeur deviendroit votre époux.
La reine eut une fille ; et, l’aimant moins que vous,
Elle trouva moyen de changer cette fille,
Et de mettre un enfant, pris d’une autre famille,
De même âge à peu près, mais moribond, malsain,
Et qui mourut aussi, je crois, le lendemain.