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Valentin

Met à terre une valise qu’il portoit, et s’assied dessus.

Quant à présent, monsieur, je ne vous puis rien dire ;
Un moment, s’il vous plaît, souffrez que je respire :
Je suis tout essoufflé.

Le Chevalier

Veux-tu donc tous les jours
Me mettre au désespoir, et me jouer ces tours ?
Je ne sais qui me tient, que de vingt coups de canne…
Quoi, maraud ! Pour aller jusques à la douane
Retirer ma valise, il te faut tant de temps ?

Valentin

Ah, monsieur ! Ces commis sont de terribles gens !
Les Juifs, tout Juifs qu’ils sont, sont moins durs, moins arabes :
Ils ne répondent point que par monosyllabes.
Oui ; non ; paix ; quoi ? Monsieur… Je n’ai pas le loisir.
Mais, monsieur… Revenez. Faites-moi le plaisir…
Vous me rompez la tête ; allez. Enfin, les traîtres,
Quand on a besoin d’eux, sont plus fiers que leurs maîtres.

Le Chevalier

Quoi ! Tu serois resté jusqu’à l’heure qu’il est
Toujours à la douane ?

Valentin

Oh ! Non pas, s’il vous plaît.
Voyant que le commis qui gardoit ma valise
Usait depuis une heure avec moi de remise,
Las d’avoir pour objet un visage ennuyeux,
J’ai cru qu’au cabaret j’attendrois beaucoup mieux.