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Je m’étois figuré que, dans ce lieu rustique,
Je vivrois[1] affranchi du commerce des sens,
Et n’aurois pour mon corps nuls soins embarrassants ;
Qu’entièrement défait de femme et de ménage,
Les passions sur moi n’auroient nul avantage :
Mais je me suis trompé, ma foi, bien lourdement ;
Le corps contre l’esprit regimbe à tout moment.

thaler.

Et que fait Démocrite en cette grotte obscure ?

strabon.

Il rit.

thaler.

Il rit.Il rit ! De quoi ?

strabon.

Il rit. Il rit ! De quoi ? De l’humaine nature.
Il soutient par raisons, que les hommes sont tous
Sots, vains, extravagants, ridicules et fous.
Pour les fuir, tout le jour il est dans sa caverne :
Et la nuit, quand la lune allume sa lanterne,
Nous grimpons l’un et l’autre au sommet des rochers,
Plus élevés cent fois que les plus hauts clochers.
Aux astres, en ces lieux, nous rendons nos visites ;
Nous voyons Jupiter avec ses satellites ;
Nous savons ce qui doit arriver ici-bas ;
Et je m’instruis pour faire un jour des almanachs.

thaler.

Des almanachs ! Morgué, j’en voudrois savoir faire.

  1. Vivrois est conforme à l’édiotion originale et à celle de 1728. Dans les autres éditions, on lit serois.