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Il faudra du canon pour emporter la place.

Eraste

Nous en viendrons à bout, quoi qu’il dise et qu’il fasse ;
Et je ne prétends point abandonner ces lieux,
Que je ne sois nanti de l’objet de mes vœux.
L’amour, de ce brutal, vaincra la résistance.

Crispin

J’aurois pour le succès assez bonne espérance,
Si de quelque argent frais nous avions le secours :
C’est le nerf de la guerre, ainsi que des amours.

Eraste

Ne te mets point en peine ; Agathe, en mariage,
A trente mille écus de bon bien en partage :
Quand elle n’auroit rien, je l’aime cent fois mieux
Qu’une autre avec tout l’or qui séduiroit tes yeux.
Dès ses plus tendres ans chez ma mère élevée,
Son image en mon cœur est tellement gravée,
Que rien ne pourra plus en effacer les traits.
Nos deux cœurs, qui sembloient l’un pour l’autre être faits,
Goûtoient de cet amour l’heureuse intelligence,
Quand ma mère mourut. Dans cette décadence,
Albert, ce vieux jaloux, que l’enfer confondra,
Par avis de parents d’Agathe s’empara.
Je ne le connois point ; et lui, comme je pense,
De moi, ni de mon nom, n’a nulle connoissance.
On m’a dit qu’il étoit d’un très fâcheux esprit,
Défiant, dur, brutal.

Crispin

Et l’on vous a bien dit.