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vous, qui ne lui donnez que de mauvais conseils, et qui la poussez dans un précipice où son penchant ne l’entraîne déjà que trop.

LISETTE.

Voilà un discours très sérieux au moins, madame ; et si je répondois aussi sérieusement, la fin de la conversation pourroit bien faire rire ; mais le respect que j’ai pour votre âge, et pour la tante de ma maîtresse, m’empêchera de vous répondre avec aigreur.

Madame BERTRAND.

Vous avez bien de la modération !

LISETTE.

Il seroit à souhaiter, madame, que vous en eussiez autant : vous ne seriez pas la première à scandaliser votre nièce, et à la décrier, comme vous faites, dans le monde, par des discours qui n’ont point d’autre fondement que le dérèglement de votre imagination.

Madame BERTRAND.

Comment, impudente ! Le dérèglement de mon imagination ! C’est le dérèglement de vos actions qui me fait parler ; et il n’y a rien de plus horrible que la vie que vous faites.

LISETTE.

Comment donc, madame ! Quelle vie faisons-nous, s’il vous plaît ?

Madame BERTRAND.

Quelle ? Y a-t-il rien de plus scandaleux que la dépense que Lucile fait tous les jours ? Une fille qui n’a pas un sou de revenu !