Page:Regnard - Œuvres complètes, tome troisième, 1820.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

démocrite, à Agélas.

Seigneur, depuis longtemps je garde le silence ;
Un tel événement étourdit ma prudence :
Interdit et confus de tout ce que je vois,
J’ai peine à retrouver l’usage de la voix.
Il est temps cependant de me faire connoître.
Je n’ai point été tel que j’ai voulu paroître ;
Vraiment foible au dedans, philosophe au dehors,
L’esprit étoit la dupe et l’esclave du corps.
Deux yeux, deux yeux charmants,
avoient, pour ma ruine,
Détraqué les ressorts de toute la machine.
De la philosophie en vain on suit les lois ;
La nature en nos cœurs ne perd jamais ses droits ;
Et, comptant nos défauts, je vois, plus je calcule,
Qu’il n’est point de mortel qui n’ait son ridicule :
Le plus sage est celui qui le cache le mieux.
J’étois amoureux.

agélas.

J’étois amoureux.Vous !

cléanthis.

J’étois amoureux. Vous ! Vous étiez amoureux ?

démocrite.

L’amour m’avoit forcé, pour traverser ma vie,
Dans les retranchements de la philosophie.
(Montrant Criséis.)
Voilà l’objet fatal, le véritable écueil