Page:Regnard - Œuvres complètes, tome sixième, 1820.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Arlequin.

L’après-dînée, je monte ma jument poil d’étourneau, pour brossailler dans la forêt, et le lendemain, pour être de meilleur matin au bois, je me couche pour l’ordinaire tout botté et éperonné.

Isabelle.

Tout botté et éperonné !

Arlequin.

Oh ! Que cela ne vous mette pas en peine ; nous ne nous toucherons point : mon lit a vingt-cinq pieds de diamètre, et ce n’est pas trop pour coucher deux personnes et une meute de cinquante chiens courants.

Isabelle.

Quoi, monsieur ! Si je vous épouse, tous ces chiens-là coucheront avec moi ?

Arlequin.

Oh ! Non, pas tous : j’en choisirai une vingtaine des moins galeux.

Colombine.

Je suis votre très humble servante : la nuit, ils pourroient bien prendre ma maîtresse pour une biche, et la dévorer.

Arlequin, à Colombine.

Tais-toi ; j’ai bien plus de risques à courir qu’elle. Quand nous serons mariés, elle pourroit bien me changer en cerf comme Actéon ; et mes chiens ne feroient plus qu’un morceau de ma personne. (On donne du cor, les chiens viennent sur le théâtre, courant après un sanglier.)