Page:Regnard - Œuvres complètes, tome sixième, 1820.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Isabelle.

Si j’en suis dégoûtée, c’est que les femmes aiment naturellement le changement ; et si je me suis lassée d’être fille, je me lasserai encore plus d’être mariée.

Colombine.

D’être mariée ! Vous voulez donc l’être ?

Isabelle.

Je ne dis pas cela ; mais si l’envie m’en venoit par hasard (on dit que cela prend tout d’un coup), dis-moi, en conscience, comment faut-il qu’un mari soit fait pour être joli ? Tu sais que je ne me connois pas bien en hommes.

Colombine.

Si fait bien moi. Il faut qu’il soit pâle, fluet, débile et raccourci, comme ces petits échantillons de magistrature, qui n’auroient pas la force de porter leurs robes sans l’aide de deux grands laquais.

Isabelle.

Oh ! Fi, fi ! Cela est trop colifichet pour un mari.

Colombine.

C’est que vous ne vous connoissez pas en hommes. Vous voudriez peut-être de ces bourgeois renforcés de l’ancien collège, moitié noblesse, moitié roture, ou de ces gros commis… là… de ces ballots vivants qui entrent et sortent de la douane sans rien payer ?

Isabelle.

Pour ceux-là, je les trouve trop matériels.

Colombine.

La pauvre enfant, elle ne se connoît pas en hommes !