J'y consens. Acceptez pour époux un joueur,
Qui, pour porter au jeu son tribut volontaire,
Vous laissera manquer même du nécessaire,
Toujours triste ou fougueux, pestant contre le jeu, [1180]
Ou d'avoir perdu trop, ou bien gagné trop peu.
Quel charme qu'un époux qui, flattant sa manie,
Fait vingt mauvais marchés tous les jours de sa vie ;
Prend pour argent comptant, d'un usurier fripon,
Des singes, des pavés, un chantier, du charbon ; [1185]
Qu'on voit à chaque instant prêt à faire querelle
Aux bijoux de sa femme, ou bien à sa vaisselle,
Qui va, revient, retourne, et s'use à voyager
Chez l'usurier, bien plus qu'à donner à manger,
Quand, après quelque temps, d'intérêts surchargée, [1190]
Il la laisse où d'abord elle fut engagée,
Et prend, pour remplacer ses meubles écartés,
Des diamants du temple, et des plats argentés ;
Tant que, dans sa fureur n'ayant plus rien à vendre,
Empruntant tous les jours, et ne pouvant plus rendre, [1195]
Sa femme signe enfin, et voit en moins d'un an,
Ses terres en décret, et son lit à l'encan !ANGÉLIQUE.
Je ne veux point ici m'affliger par avance ;
L'évènement souvent confond la prévoyance.
Il quittera le jeu.NÉRINE.
Quiconque aime, aimera ; [1200]
Et quiconque a joué, toujours joue, et jouera.
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