Page:Regnard - Œuvres complètes, tome cinquième, 1820.djvu/96

Cette page n’a pas encore été corrigée

Je ne suis pas surpris, messieurs, de voir à ce nouveau tribunal une femme qui veut secouer le joug d’un mari ; mais je m’étonne de n’y pas voir avec elle la moitié des femmes de Paris.

CORNICHON

Donnez vous un peu de patience ; nous n’aurons pas plus tôt démarié la première, qu’elles y viendront toutes les unes après les autres.

BRAILLARDET

En effet, messieurs, une jeune femme qui épouse un vieillard, dans l’espérance de l’enterrer six mois après, n’est elle pas en droit de lui demander raison de son retardement ; et n’est elle pas bien fondée à faire rompre son mariage, puisque son mari n’a pas satisfait à l’article le plus essentiel du contrat, par lequel il s’est obligé tacitement à ne pas passer l’année ? Celui pour qui je parle, après avoir longtemps contemplé du port les naufrages de tant de malheureux époux, s’embarqua enfin sur la mer orageuse du mariage ; et quand il fit ce solécisme en conduite, qu’il souffrit cette léthargie de bon sens, cette éclipse de raison, s’il se fût mis une corde au cou, ou qu’il se fût jeté dans la rivière, il n’auroit jamais tant gagné en un jour.

CORNICHON

Ni sa femme aussi.

BRAILLARDET

Il fit ce qu’ont accoutumé de faire les gens sur le retour, quand ils épousent de jeunes filles, c’est à