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TROTENVILLE

Pour de l’esprit, mademoiselle, les gens de notre profession en regorgent. Eh ! Qui en auroit, si nous n’en avions pas ? Nous sommes tous les jours parmi tout ce qu’il y a de gens de qualité. Je sors présentement de chez la femme d’un élu, où je me suis fait admirer par mon esprit ; j’ai deviné une énigme du Mercure galant. Vous savez, madame, que c’est là présentement la pierre de touche du bel esprit.

COLOMBINE.

Ah ! Par ma foi, les beaux esprits sont donc bien communs ? Car la moitié du Mercure n’est remplie que des noms de ceux qui les devinent. Pour vous, monsieur, vous n’avez pas besoin que l’on imprime le vôtre, pour faire connoître votre mérite au public ; on sait assez que vous êtes l’honneur de l’escarpin. Mais je vous prie de me dire pourquoi vous avez un si petit cheval.

TROTENVILLE

J’avois autrefois un carrosse à un cheval ; mais mes amis m’ont conseillé de changer de voiture, afin de ne pas causer une erreur dans le public, qui prend souvent, dans cet équipage là, un maître à danser pour un lévrier d’Hippocrate.

COLOMBINE.

Vous devriez bien avoir un carrosse à deux chevaux : depuis que l’on ne joue plus, il y a tant de chevaliers qui en ont à vendre.