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elles peindre leur peu de sincérité jusque sur leur visage ? Pour moi, je ne suis point de ce nombre là ; j’aime mieux qu’on me trouve un peu moins jolie, et être un peu plus vraie.

COLOMBINE.

Ho ! Par ma foi, voilà une belle délicatesse de sentiments. Il n’y a plus que le rouge qui se met à la toilette qui marque la pudeur des femmes d’aujourd’hui ; elles ne rougiroient jamais sans cela. Et que seroit ce donc, madame, s’il vous falloit peler avec de certaines eaux, comme la dernière maîtresse que je servois, qui changeoit tous les six mois de peau.

ISABELLE.

Bon ! Tu te moques, Colombine : est ce que tu as vu cela ?

COLOMBINE.

Si je l’ai vu ? C’étoit moi qui faisois l’opération ; elle me faisoit prendre la peau de son front, que je tirois de toute ma force ; elle crioit comme un beau diable, et moi je riais comme une folle ; il me sembloit habiller un levraut : mais ce qui est de meilleur, c’est qu’elle portoit toujours sur elle, dans une boîte, la peau de son dernier visage calcinée, et disoit qu’il n’y avoit rien de si bon pour les élevures et les bourgeons.

ISABELLE.

Tu veux t’égayer, Colombine.

Un LAQUAIS.

Mademoiselle, voilà un homme qui demande à vous parler.