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COLOMBINE.

Eh ! Là, là ; consolez vous, madame ; vous avez des yeux à défrayer tout un visage. Et de quoi vous embarrassez vous de votre teint ? Il ne tiendra qu’à vous de l’avoir comme il vous plaira. Que ne me laissez vous faire ? Je ne veux qu’une petite couche de rouge pour réparer de trente méchantes nuits la plus obstinée.

ISABELLE.

Ah ! Fi, Colombine, avec ton rouge ! Tu me mets au désespoir. Crois tu que je puisse me résoudre à donner tous les jours un habit neuf à mes appas ? J’ai une conscience si délicate, que je me reprocherois les conquêtes qui ne se seroient pas faites de bonne guerre, et je crois que je mourrois de honte d’avoir dix années de plus que mon visage.

COLOMBINE.

Bon, bon, mademoiselle, vous avez là un plaisant scrupule ; la beauté que l’on achète n’est elle pas à soi ? Qu’importe que vos joues portent les couleurs d’un marchand ou les vôtres, pourvu que cela vous fasse honneur ? Pour moi, je trouve quelques femmes d’aujourd’hui d’un parfaitement bon goût ; de toute l’année elles en ont fait un carnaval perpétuel ; elles peuvent aller au bal à coup sûr, sans crainte d’être connues.

ISABELLE.

Mon dieu ! Les femmes ne sont elles pas assez déguisées sans se masquer encore ? Et pourquoi veulent