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suite me donner la gravelle ; je priai seulement les archers de me laisser boire à la fontaine. On se range en haie ; je m’approche de la fontaine ; je donne un coup d’œil autour de moi, et zest, je m’élance la tête en avant dans le robinet de la fontaine.Les archers, surpris, courent à moi, et me tirent par les pieds ; et moi je m’enfonce toujours avec les mains, de manière que j’entrai tout entier dans le tuyau de la fontaine, et il ne resta aux archers que mes souliers pour les pendre. Du robinet de la fontaine, je descendis dans la Seine ; de là, je fus à la nage jusqu’au Havre de Grace ; au Havre de Grace, je m’embarquai pour les Indes, d’où me voilà présentement de retour ; et voici mon histoire achevée.

MEZZETIN.

Il ne me reste qu’une difficulté, qui est de savoir comment, gros comme tu es, tu as pu te fourrer dans le robinet de la fontaine.

ARLEQUIN.

Va, va, mon ami, quand on est près d’être pendu, on est diablement mince.

MEZZETIN.

Tu as, ma foi, raison. Va m’attendre au Petit Trianon ; dans un moment je suis à toi, et je te ménerai chez Monsieur Aurélio. Mais d’où vient que tu n’enfonces point tes pieds jusqu’au fond de tes bottes, et que tu marches sur la tige ?

ARLEQUIN.

Je le fais exprès pour épargner les semelles.

Il s’en va.