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MEZZETIN.

Fort bien. Et eux parurent fort contents de votre déclaration ?

ARLEQUIN.

Vous l’avez dit. Je remarquai que mon discours les avoit réjouis ; mais cela n’empêcha pas qu’ils ne me condamnassent sur l’heure à être pendu et étranglé à la Croix Du Trahoir.

MEZZETIN.

Quel malheur !

ARLEQUIN.

Quand j’entendis qu’on m’alloit pendre, je commençai à crier : mais, messieurs, vous n’y pensez pas. Me pendre, moi ! Je ne suis qu’un jeune homme qui ne fais que d’entrer dans le monde ; et d’ailleurs, je n’ai pas l’âge compétent pour être pendu.

MEZZETIN.

C’étoit une bonne raison celle là.

ARLEQUIN.

Aussi y eurent ils beaucoup d’égard ; et, pour faire les choses dans l’ordre, ils me firent expédier une dispense d’âge. Me voilà donc dans la charrette. Je ne disois mot ; mais j’enrageois comme tous les diables. Nous arrivons enfin à la Croix Du Trahoir, au pied de cette fatale colonne qui devoit être le non plus ultrà de ma vie, et qu’on appelle vulgairement la potence. Comme j’étois fort fatigué du voyage, j’avois soif, je demandai à boire : on me proposa si je voulois de la bière. Je dis que non, et que cela pourroit par la