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si vous ne me l’aviez fait connoître pour un déserteur de profession, je ne sais si je ne l’aurois pas enrôlé. Dame ! En temps de guerre on prend ce que l’on trouve.

Isabelle

Quel bonheur, mademoiselle, de pouvoir changer si facilement ! Et que je serois contente si, pour me venger de mon infidèle, je le pouvois haïr autant qu’il le mérite !

Colombine

Ne vous embarrassez point de votre vengeance ; remettez seulement vos intérêts entre les mains d’une coquette de ce pays-ci, dont il sera amoureux ; je vous promets qu’elle le fera aller bon train.

Isabelle

Non, non ; je ne me croirois pas assez vengée de m’en rapporter à une autre. Si une femme l’aimoit une fois, elle l’aimeroit toujours ; et puis on n’est peut-être pas sujette au changement en France.

Colombine

Oh ! L’on n’a garde ! Vous ne savez donc pas que Paris est la boutique de la légèreté ? Il ne vient point d’étranger qui n’en emporte sa provision. Bon ! Je vous dis que c’est le magasin de toute l’inconstance qui se débite en Europe.

Isabelle

Est-il possible ? Je ne l’aurois jamais cru. Hélas ! Quand un François dit qu’il vous aime, il vous le dit d’une manière si tendre et si passionnée, qu’il semble