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BROCANTIN.

Mais je crois que vous avez toutes deux l’esprit en écharpe. Est-ce que je suis hors d’âge d’avoir lignée ? Savez-vous bien que l’on n’a que l’âge que l’on paroît ; et monsieur Visautrou, mon apothicaire, me disoit encore ce matin, en me donnant un remède, que je ne paraissois pas quarante-cinq ans.

COLOMBINE.

Oh ! Mon papa, c’est qu’il ne vous voyoit pas au visage.

BROCANTIN.

J’ai ce que j’ai ; mais je sais bien que j’ai besoin d’une femme. Je crève de santé, et j’ai trouvé une fille comme je la souhaite, belle, jeune, sage, riche ; enfin, une fille de hasard…

ISABELLE.

Une autre fille que moi, qui ne sauroit pas vivre, vous diroit, mon père, que vous risquez beaucoup en vous mariant ; qu’il faut avoir perdu l’esprit pour songer, à votre âge, à un engagement, et que l’on renferme tous les jours des gens aux Petites-Maisons pour de moindres sujets : mais moi, qui sais le respect que je vous dois, sans me prévaloir des raisons que les enfants ont d’appréhender un second mariage, je vous dirai que, puisque vous crevez de santé, vous faites parfaitement bien de prendre une femme.

COLOMBINE.

Pour moi, je vous le conseille ; car je voudrois que tout le monde fût marié.