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sauroit servir de gourmette à ce furieux. Que seroit ce, si cette pauvre innocente se trouvoit toute seule avec lui ? Approchez, malheureuse opprimée ; venez, épouse infortunée : c’est à l’ombre de ce tribunal que vous trouverez un asile assuré contre la pétulance de votre persécuteur. Souffrirez vous, messieurs, qu’une femme qui (comme dit fort élégamment un savant philosophe) doit être, vas dignitatis, non voluptatis, devienne un grenier à coups de poing ? Qu’une femme, qui doit être la soucoupe des plaisirs d’un mari, soit le ballon de ses emportements ? Non, messieurs, vous ne souffrirez pas que ces innocentes brebis soient si cruellement égorgées par ces loups ravissants ! Eh ! Qui voudroit dorénavant se mettre en ménage, si vous fermiez la porte aux séparations ? Le divorce ayant été de tout temps tout ce qu’il y a de plus piquant dans le mariage, ce ragoût de veuvage anticipé, cette viduité prématurée que vous allez servir à la Dame Sotinet, va faire venir l’eau à la bouche à quantité de femmes de Paris : elles en voudront tâter. Songez, messieurs, aux honneurs que vous allez recevoir ! Cornuum quanta seges ! Vous aurez plus d’affaires que toutes les juridictions de la France. L’hôtel de Bourgogne crèvera de monde : vous en aurez toute la gloire, et les comédiens italiens tout le profit. Dixi.

Pendant que le Dieu de l’Hymen va aux opinions, les avocats parlent tous deux à la fois.