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— Oh ! ça Monsieur, s’il vous plaît
Ne dérangez pas le monde,
Laissez chacun comme il est.

Belle êtes vous aussi blonde
Qu’à vos sourcils il paraît ?
Je veux voir cela Raimonde…
— Oh ! ça Monsieur, etc.

Faudra-t-il que je vous gronde ?
Le traître ! qu’est-ce qu’il fait ?…
Ah ! je vous tiens bien Raimonde.
À votre tour, s’il vous plaît,
Ne dérangez pas le monde,
Laissez chacun comme il est.



BIÈVRE
(marquis de)
1647-1789


Si notre ouvrage était un livre sérieux, le nom du marquis, père du calembour, n’y figurerait pas. Mais nous n’élevons pas nos prétentions si haut. Il nous suffirait qu’on le jugeât intéressant et instructif. Or, nous ne voyons pas pourquoi, ayant parlé des Vadé, Gautier-Garguille et Collé, nous passerions sous silence M. de Bièvre. D’ailleurs, si nous avons essayé de faire vivre par la pensée notre lecteur ou lectrice au milieu des siècles littéraires que nous avons décrits, pouvons-nous nous taire sur cette manie du jeu de mots au xviiie siècle, suite naturelle des exagérations, des ridicules préciosités de l’hôtel de Rambouillet, manie qui a commencé par l’amphigouri dont nous avons donné un exemple, pour finir, à notre tourmenté xixe siècle, par les queus, les à peu près et les combles.

Comme Dorat, de Bièvre était mousquetaire. Il avait une physionomie gracieuse ; il se plaisait dans tous les exercices du corps où il montrait une souplesse égale à celle de son esprit. Il brillait surtout au jeu de bilboquet, distraction délaissée, mais non oubliée, et dont les derniers amateurs se trouvent, devinez où ?… à la Halle au blé. Oui, si vous passez par là vers deux heures de l’après-midi, vous avez beaucoup de chance de voir se livrer à cet anodin exercice, sous la magnifique coupole de l’architecte Bellanger, les hercules qui font les fonctions de forts. Ils ont même perfectionné ce jeu, car leurs appareils partent de la dimension d’une pomme d’api pour arriver à celle d’un petit baril de madère.

Le grand-père du marquis s’appelait Georges Mareschal, et fut premier chirurgien de Louis XIV et de Louis XV. Ce dernier l’anoblit pour sa coopération à la formation de l’Académie de chirurgie.

D’un caractère gai, obligeant et doux, son petit-fils avait, malgré sa manie du calembour, l’esprit délicat. Mais les jolis vers qu’il improvisait, ni sa jolie comédie du Séducteur, ne purent effacer le ridicule qu’il s’était attiré par ce travers. Voici de notre héros une composition du genre précieux de l’époque et un fragment d’un monologue de sa tragédie burlesque Vercingentorixe :