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Que de vers n’avons-nous pas entendus depuis une vingtaine d’années qui, sous leur prétention sérieuse n’étaient pas plus faciles à comprendre que ceux que nous venons de citer.

Outre ses chansons et son théâtre, Collé a laissé un Journal historique ou Mémoires littéraires, dans lesquels il dément, par sa critique injuste et partiale, sa réputation de bonhomie. Courtisan des princes, il est naturellement détracteur des philosophes de son siècle. C’est surtout comme chansonnier que Collé est connu. Il est pourtant difficile de séparer le vaudevilliste du faiseur de chansons, puisque le vaudeville dérive d’elles. Quoi qu’il en soit, Collé fut appelé le premier chansonnier français. Nous avons démontré qu’il n’est pas le premier en date, et nous croyons qu’il est loin d’être le premier en mérite. En dehors des chansons plus que grivoises de cet auteur, ses autres œuvres ne dépassent pas le niveau de celles de son siècle, et nous pouvons dire qu’il fut plutôt un continuateur qu’un initiateur.

La chanson de Vive Henri IV, qui se trouve dans tous les recueils modernes, ce qui nous dispense de la reproduire, eut une popularité politique sous la Restauration. Il la composa pour sa comédie de la Partie de chasse de Henri IV, et le premier couplet, à ce qu’on dit, existait déjà. L’air est de Ducauroy père ; il se trouve noté au no 622 de la Clef du Caveau ; il est celui d’un pas que l’on appelait les tricotets, que ce prince se plaisait tant à danser qu’on finit par le nommer le Pas Henri IV.

On a publié à Utreccht (1881) les chansons badines et grivoises de Collé, dans lesquelles nous avons vainement cherché la Vérité dans le vin, signalée comme sa meilleure chanson. En dehors de cette spécialité risquée, voici deux pièces de lui qui ne sont ni inférieures ni supérieures à ses nombreuses productions.

VAUDEVILLE
de la fin de la comédie de nicaise, représentée
le 4 avril 1754
sur le théatre de m. le duc d’orléans


Amants, qui marchez sur les traces
Des jeunes seigneurs de la cour,
Ayez de l’esprit et des grâces ;
Il en faut pour faire l’amour.
Tout consiste dans la manière
Et dans le goût ;
Et c’est la façon de le faire
Qui fait tout.

Pour faire un bouquet à Lucrèce,
Suffit-il de cueillir des fleurs ?
Il faut encore avoir l’adresse
D’en bien assortir les couleurs.
Tout, etc.

L’amant risque tout, et tout passe,
Alors, il sait prendre un bon tour ;
S’il est insolent avec grâce,
L’on fera grâce à son amour.
Tout, etc.

De deux jours l’un, à ma bergère
Je fais deux bons petits couplets ;
Et ma bergère les préfère
À douze qui seraient mal faits.
Tout, etc.

Vous vous envoyez faire faire
Mille compliments chaque jour ;
Mais il n’en est qu’un qui peut plaire,
C’est celui que dicte l’amour.
Tout, etc.


LAISSEZ CHACUN COMME IL EST

(Musique de Ducray-Duminil, notée au no 74 de la Clef du Caveau — 1751).

Ce mouchoir, belle Raimonde,
Va contre votre intérêt ;
Il cache une gorge ronde.