fausser la vue, corrompre les élèves, éteindre le germe de tout art sous les jeunes fronts.
Rembrandt, malgré sa mâle énergie, a gardé la sensibilité qui mène dans les sentiers du cœur. Il en a fouillé tous les replis.
La gravure est un agent tout autre que la fidèle photographie. Elle ne met pas en infériorité le morceau qu’elle retrace ou recrée ; elle ne lui est pas supérieure ; son but est différent ; elle est autre chose.
Tout document d’émotion et de passion, de sensibilité ou même de pensée laissé sur le marbre, la toile, comme aussi dans le livre, est sacré. C’est là notre vrai patrimoine, le plus précieux. Et de quelle noblesse nous revêt-il, pauvres et précaires créateurs que nous sommes : la moindre chronique, la date la plus précise d’un simple fait humain, diront-ils jamais ce que proclament les merveilles d’une cathédrale, le plus petit lambeau de pierre de ses murs ! Touché par l’homme, il est imbibé de l’esprit du temps. Chaque époque a son époque spirituelle ainsi laissée. C’est par l’art que la vie morale et pensante de l’humanité peut être recouvrée et ressentie.
S’il nous était donné de pouvoir recueillir et faire apparaître soudain la chaîne immense des matériaux sur lesquels l’homme a laissé, toute palpitante, la douleur ou les joies de sa passion, quelle sublime lecture !
Si j’avais eu à parler de Michel-Ange à l’occasion du centenaire, j’eusse parlé de son âme. J’aurais dit que ce qu’il importe de voir dans un grand homme est, avant tout, la nature, la force de l’âme qui l’anime. Quand l’âme est puissante, l’œuvre l’est aussi. Michel-Ange passa de longues périodes de temps sans produire. C’est alors qu’il écrivit des sonnets. Sa vie est belle.
Il y a, à Amsterdam, un tableau qui est encore dans la maison où l’a vu, où l’a placé Rembrandt. Le clou qui le supporte est encore le même que planta le maître, à la place et sous le jour