la vie morale à l’ombre. Il a créé le clair-obscur comme Phidias la ligne. Et tout le mystère que comporte la plastique n’est désormais possible que par lui, pour le nouveau cycle d’art qu’il a ouvert hors de la raison païenne.
Je n’ai vraiment aimé la peinture et mon art que lorsque — le pli étant fait, — après des efforts en plusieurs sens, j’ai senti, je ne dis pas la virtuosité, mais tout ce que me donnaient d’imprévu et de surprises mes propres inventions : comme si leur résultat eût dépassé mes espérances. J’ai lu quelque part que le pouvoir de mettre ainsi dans un ouvrage plus de signification qu’on désirait soi-même et de surpasser en quelque sorte son propre désir par l’imprévu du résultat, n’est donné qu’aux êtres de sincérité et de loyauté entières, à ceux qui portent dans leur âme autre chose que leur art même. Je le croirais aussi : il leur faut le souci de la vérité, peut-être le don de pitié, ou d’en souffrir.
L’art serait-il un étai, un soutien de la vie expansive, et supposerait-il que, bornés et faibles, nous avons besoin de son appui ! Communion sublime avec toute l’âme du passé. Patrimoine grandiose de l’humanité défunte.
1868, Mai. — Comment les villes de province, particulièrement celles qui n’ont pas de musées, ne songent-elles pas à posséder, enfin, une collection des superbes reproductions photographiques des dessins à nous révélés par Braun.
L’étude qui fait tableau ne donne pas des ressources aussi durables que les morceaux fragmentaires établis sans souci d’ordre ni de mise en toile. Ce n’est pas celle que l’on consultera lorsque, dans le travail de l’atelier, on cherche l’appui du renseignement sûr. L’étude naïve, au contraire, celle que l’on fait dans l’oubli de ce qu’on sait avec désir d’approcher le plus docilement de ce qu’on voit, reste à l’inverse un document sûr, fécond, inépuisable en ressources et dont on ne se lassera pas. « A côté d’une