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À SOI-MÊME


1867-1868. — Si par enchantement ou par la puissance d’une baguette magique vous pouviez voir ce qui se passe dans un petit atelier des Allées d’Amour, entre ces quatre petits murs témoins de tant d’erreurs et de fautes, de tant de lassitude et de défaillances, vous seriez étonné de la nouveauté de son aspect et de cette atmosphère toute nouvelle d’étude et de travail que l’on y respire.

Si l’on entend par génie le désir de faire si simple, si large, que la nature même soit traduite dans une mesure insensée, mais grandiose, j’en ai.


15 Octobre. — Je suis à la campagne depuis un mois ; mon impression est celle que j’ai toujours eue, il y a longtemps, avant que la beauté de l’art m’ait été révélée. Un grand bien-être physique, d’abord, ce qui n’est pas à dédaigner ; ensuite, une disposition d’âme excellente qui influe sur le caractère et nous rend véritablement meilleur.

Donc, pour le moment je suis content ; je travaille.

L’isolement de l’objet aimé fait son éclat et sa force. Il grandit, il s’impose et prend plus que partout la loi de son empire.

Les hommes officiels se croient puissants parce qu’ils décernent des médailles, des récompenses.

Un artiste est puissant quand il a des imitateurs. Nul n’a reçu de diplômes des mains de Millet, Courbet, Rousseau, et que de peintres ont reçu d’eux cette influence directe et dominatrice qui les entraîne à eux quand même.

Il y a un livre à faire sur l’Apothéose.

Les jurés officiels de peinture vous recommandent officieusement de présenter au Salon des œuvres importantes. Qu’en-