sur l’esprit. L’art suggestif ne peut rien fournir sans recourir uniquement aux jeux mystérieux des ombres et du rythme des lignes mentalement conçues. Ah ! eurent-ils jamais plus haut résultat que dans l’œuvre du Vinci ! Il leur doit son mystère et la fertilité des fascinations qu’il exerce sur notre esprit. Ils sont les racines des mots de sa langue. Et c’est aussi par la perfection, l’excellence, la raison, la soumission docile aux lois du naturel que cet admirable et souverain génie domine tout l’art des formes ; il le domine jusque dans leur essence ! « La nature est pleine d’infinies raisons qui ne furent jamais en expérience », écrivait-il. Elle était pour lui, comme assurément pour tous les maîtres, la nécessité évidente et l’axiome. Quel est le peintre qui penserait autrement ?
C’est la nature aussi qui nous prescrit d’obéir aux dons qu’elle nous a donnés. Les miens m’ont induit au rêve ; j’ai subi les tourments de l’imagination et les surprises qu’elle me donnait sous le crayon ; mais je les ai conduites et menées, ces surprises, selon des lois d’organisme d’art que je sais, que je sens, à seule fin d’obtenir chez le spectateur, par un attrait subit, toute l’évocation, tout l’attirant de l’incertain, sur les confins de la pensée.
Je n’ai rien dit, non plus, qui ne fût grandement pressenti par Albert Durer dans son estampe : "La Mélancolie". On la croirait incohérente. Non, elle est écrite, elle est écrite selon la ligne seule et ses puissants pouvoirs. Grave et profond esprit qui nous berce, là, comme aux accents pressés et touffus d’une fugue sévère. Nous ne chantons après lui que des motifs écourtés, de quelques mesures.
L’art suggestif est comme une irradiation des choses pour le rêve où s’achemine aussi la pensée. Décadence ou non, il est ainsi. Disons plutôt qu’il est croissance, évolution de l’art pour le suprême essor de notre propre vie, son expansion, son plus haut point d’appui ou de maintien moral par nécessaire exaltation.
Cet art suggestif est tout entier dans l’art excitateur de la