J’étais d’ailleurs maladif et débile, entouré toujours de soins ; on avait prescrit de m’éviter les fatigues cérébrales.
Je fis à sept ans un séjour à Paris durant une année, et je me souviens des grandes promenades avec la vieille bonne qui m’accompagnait. Je vis à cet âge les musées. Une empreinte en ma mémoire est restée des tableaux de drames ; je n’ai dans les yeux que des représentations de la vie violente, à l’excès ; cela seul me frappa.
J’ai dit une enfance maladive, et c’est la raison pour laquelle je fus mis tard à l’école, à onze ans, je crois. Cette période est la plus triste et la plus lamentable de ma jeunesse. Externe cependant ; mais je ne me vois que tardif aux classes, travaillant avec un effort qui m’attristait. Que de larmes j’ai versées sur des livres d’ennui que l’on me prescrivait d’apprendre mot à mot. Je crois pouvoir dire que de onze à dix-huit ans, je n’ai ressenti que de la rancœur d’études.
Elles furent inégales, sans suite, sans méthode, faites dans deux pensions de Bordeaux, peu de latin. Je ne revivais et n’étais heureux que les jours de sortie, durant lesquels je m’occupais. J’avais copié les lithographies d’alors selon les premiers modes de la hachure. J’en ai conservé quelques-unes. Ces vieux documents d’un premier âge, loin de me faire heureusement tressaillir, ne me donnent aujourd’hui que le frisson, comme la répercussion d’un spleen lointain, redevenu réel par ces images.
Rien de particulier autrement.
La grande émotion est à l’heure de ma première Communion, sous les voûtes de l’église Saint-Seurin ; les chants m’exaltent ; ils sont vraiment ma première révélation de l’art, outre la bonne musique que j’avais déjà beaucoup entendue en famille.
Ainsi pareillement jusqu’à l’adolescence, la divine adolescence. État d’esprit perdu à jamais ! Je fus le visiteur radieux des églises, le dimanche, ou bien je m’approchais au dehors des absides, sous l’attirance irrésistible des chants divins.