verve géniale et son ardeur à les illustrer. Voilà l’histoire de sa conversion première.
La couleur, exprimant désormais la passion et la vie intérieure, tendait en son dernier perfectionnement à la pondération : l’harmonie, la juxtaposition nécessaire, et cette harmonie suprême n’est autre que l’unité de la couleur appliquée à l’histoire aux sujets humains. Elle est dans les annales de l’art un avènement capital, mais elle n’était jusque-là que l’apanage du paysage. Delacroix l’a impérieusement soumise à l’histoire ; il en a fait un moyen d’expression le plus subtil et le plus éloquent. Ce nouveau stade si important est ce qui donnera dans l’avenir à l’artiste la valeur et l’approbation qui lui sont dues, cette situation spéciale et glorieuse qu’occupent tous ceux qui agrandissent le domaine de l’art et qui écartent par le seul effet de leur génie l’obscur nuage qui nous voilait encore une part de la vie.
Le char d’Apollon. — Voici l’ouvrage qu’il fit dans toute la plénitude de son talent et de ses forces.
Quelle en est la grande expression, le trait principal ? C’est le triomphe de la lumière sur les ténèbres. C’est la joie du grand jour opposée aux tristesses de la nuit et des ombres, et comme la joie d’un sentiment meilleur après l’angoisse. Il peint chaque détail dans le sens qui lui est particulier. Vénus est entourée de bleu tendre ; dans un nuage gris tout exquis de tendresse, les amours volent et déploient les ailes orientales. Cérès a toute la poésie de nos plus beaux paysages, elle est ensoleillée. Mercure exprime dans son manteau rouge tout le faste du bien-être capitonné et du commerce. Mars est d’un violet terrible ; son casque est d’un rouge amer, emblème de la guerre. Le peintre exprime tout par les accessoires. Mercure est sombre, toute la partie étouffée est moins traduite encore dans le monstre qui écume, dans le corps si superbe de la nymphe couchée, un des plus beaux morceaux qui soit sorti de ses mains, en sa dernière manière, que dans cette gamme indéfinissable, dans ces tons malades qui donnent l’idée de la mort.