que de douloureuses carrières n’avons-nous pas vues en ce siècle, fournies avec douleur et bonne foi à travers le dédain et l’indifférence communes ; que d’efforts et que de larmes, quel dur combat pour la vérité.
Laissons les retours tristes et les ressentiments qu’une étude attentive de notre temps effacera peut-être ; serait-ce une loi nécessaire, une loi fatale et supérieure que celle qui nous fait condamner aujourd’hui ce que nous adorerons demain ? Faut-il que les générations se succèdent ainsi, avides, superficielles et bruyantes et que les doux et profonds esprits qui, par amour et bonne foi, scrutent le fond des choses, soient condamnés, quoiqu’ils veuillent et quoiqu’ils fassent, à ne vivre que d’amertumes ?
Berlioz fût un de ceux-là.
Sa définition : la musique est l’expression d’une âme passionnée et malheureuse.
- (4 Avril 1878.)
Je suis allé voir Fromentin, qui est un homme du monde : il en a toute la politesse et l’amabilité composée. J’allai chez lui par un jour triste, où je cherchais un cœur d’artiste, une main cordiale. Mais je n’ai vu qu’un être bizarre, mobile, suspect de cœur, difficile à comprendre : l’auteur de Dominique, pourtant ! Je l’avais vu dans ce roman ; je l’ai vaguement et certainement reconnu. Il m’a fait de forts jolis compliments en me tendant la main — toujours une main du monde — fine, aristocratique, une main de race.
Quand il apprit que je faisais aussi de la peinture, il me regarda soudain dans les yeux en me disant : « Comment ? nous sommes confrères ! » Il a répété souvent ces mots-là, après lesquels il