nalité — qui est et doit être une fleur unique — le parfum de cette fleur inconnue troublera les têtes et tout le monde s’en écartera. De là, pour l’artiste, un isolement fatal, tragique même ; de là, l’irrémédiable et triste inquiétude qui enveloppe sa jeunesse et même son enfance et qui le rend farouche quelquefois jusqu’au jour où il trouvera par affinité des êtres qui le comprendront.
Il vaudrait mieux ne point parler de ces douloureuses origines : les connaître ne changerait rien. Quelque chose du destin ou de la nécessité, assigne à chacun sa route, au cours de laquelle des difficultés plus ou moins grandes se rencontrent pour nous, comme pour tout le monde. Ce n’est pas la justice qui nous importe, c’est l’amour. La grande affaire est de savoir nos ouvrages compris, appréciés, désirés.
Pour ce qui est de moi, je détourne habituellement ma pensée de ma genèse endolorie. Trop faible pour la lutte, ou la dédaignant peut-être, j’ai attendu ; j’ai mis au dehors, comme j’ai pu et quand les circonstances s’offraient, des ouvrages qu’on aimait autour de moi dans un petit cercle. Je crois qu’ils ont plaidé ma cause au loin beaucoup mieux que je ne l’eusse fait moi-même. Ce sont eux qui m’ont frayé la route et qui racontent mon histoire. J’ai lieu de croire que les plus récents diront la joie compensatrice des mauvais commencements.
1913, Avril — Sur Jean Dolent.
Rappelons-nous qu’il a écrit ceci : « Vivre sans bruit console de vivre sans gloire ». Pourquoi ne serions-nous pas consolés nous aussi de lui rester fidèles, et de le lire, et de l’aimer, dans le silence ? Nous serions là dans sa pensée et silence n’est pas oubli. Quiconque a fait de la peinture autrefois, dans les générations qui nous précèdent, quiconque en fait aujourd’hui,