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Elles priment toutes les théories. Qu’il « ausculte » avec subtilité leurs ressources. Plus il les connaîtra, plus son esprit les illuminera. L’art expressif n’irradie dans sa plénitude que par des substances. Votre ami n’est pas sans le pressentir.



1909. — L’art n’emprunte rien à la philosophie et n’a d’autre source que l’âme au milieu du monde qui l’entoure. Son essence est inconnue, comme celle de la vie ; et sa fin, c’est l’art même. Maurice Denis alourdit le sien d’attributions sociales et religieuses ; il effleure la politique, et c’est dommage. Ses dons étaient capables de le situer en meilleure place et plus haut que dans une impasse. Sa probité le garantira de toute étroitesse.



Soumettre le talent et même le génie à des concepts de justice ou de morale est une grande erreur. Elle provient chez l’artiste d’une prédominance de l’intelligence spéculative sur la libre divination.



Une œuvre conçue en vue d’un enseignement sera dans sa facture conduite par de mauvais chemins. Un tableau n’enseigne rien ; il attire, il surprend, il exalte, il mène insensiblement et par amour au besoin de vivre avec le beau ; il lève et redresse l’esprit, voilà tout.



Non, il ne faut pas enchaîner son art à des convictions politiques, ni à une morale. Au contraire, l’art doit fournir au philo-